Décès de Peter Spufford (1934-2017)
« Peter Spufford est mort le 18 novembre 2017 à l’âge de 83 ans après avoir mené une riche carrière universitaire d’historien, d’abord à Keele, puis à Cambridge, depuis 1979, à Queens’ College, comme Reader in Economic History puis comme Professor of European History jusqu’en 2001 où il accéda à l’éméritat.
Même s’il était membre de notre Société, c’est surtout sa contribution à l’histoire économique et monétaire du Moyen Âge qu’il convient d’évoquer avec deux ouvrages majeurs : Money and its use in Medieval Europe, en 1988, et Power and Profit: The Merchant in Medieval Europe, en 2002 (qui ont été traduits en 5 langues). Le premier depuis l’Esquisse de Marc Bloch, il avait fondé la place de l’histoire monétaire dans le champ historique en présentant dans le débat sur l’économie médiévale une position monétariste nuancée : si la démographie a été le moteur de la croissance économique médiévale la monnaie, ou plutôt son insuffisance, jouait comme un frein puissant, pour reprendre une image proposée par N.J. Mayhew. Il a en effet particulièrement insisté sur la part des échanges et des paiements qui ne prenaient pas la forme de numéraire, notamment dans son petit essai de 2008 (How Rarely did Medieval Merchants use Coins) et il a ainsi ouvert le champ des recherches sur la circulation des lingots de métal à côté des lettres de change ou de la dette publique des monti italiens puis des villes des Pays-Bas bourguignons.
De ce fait, il déclinait le titre de numismate, non sans un peu de fausse modestie, et il n’a guère écrit dans les revues numismatiques : pas d’articles dans Numismatic Chronicle ni dans la RN, mais plusieurs articles dans le BNJ ou la Revue belge et le JMP témoignent de sa connaissance exceptionnelle des monnayages et de l’histoire monétaire et financière des Pays Bas bourguignons auxquels il avait consacré sa thèse publiée en 1970 (Monetary Problems and Policies in the Burgundian Netherlands).
Ainsi, tout comme Philip Grierson qu’il côtoyait à Cambridge, il n’a jamais reçu le jeton de notre Société. Il en était néanmoins proche et après avoir été membre brièvement dans les années 1970 quand il travaillait à sa thèse, il venait de la rejoindre à nouveau en mai dernier, pour une période, hélas, plus brève encore.
C’est également au mois de mai que j’ai personnellement rencontré Peter Spufford pour la dernière fois lors d’un congrès à Prague où une fois encore il avait assuré de la plus brillante des façons l’introduction et la conclusion du colloque non sans intervenir, de façon pertinente, sur chaque communication ou presque. Il avait alors découvert le premier exemplaire du volume de mélanges qui lui avait été dédié (Money and its Use in Medieval Europe Three Decades On, M. Allen N. Mayhew ed.) et qui était issu d’un colloque tenu en son honneur à Cambridge en 2010. Il a ainsi laissé une forte impression à tous ceux qui l’ont rencontré dans des congrès, colloques ou écoles d’été comme celle d’Estella 1999 où les étudiants présents lui avaient à la fin de la semaña réservé une véritable ovation. C’était en effet un esprit particulièrement attentif et ouvert aux chercheurs débutants comme confirmés et tous garderont l’image de son gilet rouge, de son rire et de son accueil chaleureux. »
Marc Bompaire