Nicholas J. MAYHEW (1953-2004)

Nicholas J Mayhew (1953-2024) ou plus simplement Nick Mayhew a passé l’essentiel de sa vie et de sa carrière à Oxford. Formé à New College il y est devenu fellow et Vice Master de St Cross College. Recruté à l’Ashmolean Museum en 1971, il y a été jusqu’en 2013 Keeper de l’Heberden Coin Room, puis Deputy Director et directeur du Winton Institute for Monetary History, mais aussi professeur de Numismatique et d’histoire monétaire à l’Université d’Oxford. Ses travaux de numismatique ont d’abord porté sur les imitations des monnaies anglaises des esterlins « édouardiens » des XIIIe-XIVe siècles[1] frappées en particulier aux Pays-Bas[2] en particulier mais aussi en Écosse et en France[3]. Autant de champs de recherche qu’il n’a jamais quittés en proposant des synthèses sur l’histoire de la livre sterling[4] sur la monnaie et l’économie de l’Écosse[5] mais aussi un ouvrage de présentation sur la monnaie française[6] et en organisant un colloque sur la monnaie française de diffusion internationale que fut le gros tournois[7]. C’est l’occasion de rappeler ses liens avec la France où ils avaient avec son épouse Susie et leurs enfants une résidence de vacances et avec les numismates français et notre société. Quand il reçut le jeton de vermeil de la société il proposa en français une belle communication en réponse à Michel Dhénin sur des monnaies d’Aquitaine[8] et il a publié trois articles dans la RN de 1975 à 2011.

Un des derniers travaux sur lesquels nous ayons correspondu concernait une étude comparée de la reprise économique après la Guerre de Cent Ans en Angleterre et en France et des facteurs démographiques, monétaires et autres qui pouvaient expliquer une plus grande résilience de la France (pour une fois)[9]. Il faut sur ces sujets souligner l’ampleur de vue et l’originalité des travaux de Nick Mayhew qui a proposé grâce à la numismatique, à l’étude sérielle des trésors et des trouvailles monétaires isolées des approches originales pour évaluer les évolutions du stock monétaire et de l’activité monétaire sur la longue durée en Angleterre du XIe au XVIIIe siècle[10]. Il les a également confrontées aux estimations du niveau des prix mais aussi du PIB ou de la vitesse de circulation de la monnaie sur lesquelles il a directement travaillé. Il a ainsi personnellement participé à une relecture du célèbre Domesday book du XIe siècle[11] ou des riches sources des cours des manoirs anglais sur les litiges relatifs au crédit dans les campagnes depuis le XIIIe siècle[12] et contribué à une compréhension globale de l’économie autour de la célèbre équation de Fisher associant masse monétaire, volume des transactions, niveau général des prix et vitesse de circulation de la monnaie[13]. C’est là une approche difficilement accessible en l’absence de sources comparables pour les économies anciennes et qui est sans doute un peu trop systématiquement écartée et dévalorisée aux yeux des historiens du continent mais Nicholas Mayhew a mieux que quiconque illustré ce que peut apporter une véritable histoire de l’économie monétaire qui soit aussi une économie monétaire historique[14].

À son épouse et à ses deux fils nous exprimons nos plus sincères condoléances.

Cécile Morrisson et Marc Bompaire


[1] N. J. Mayhew ed., Edwardian Monetary Affairs: (1279-1344): Symposium Oxford, August 1976, (BAR, 36), Oxford, 1977.

[2] N. J. Mayhew, Sterling Imitations of Edwardian Type, (RNS Special Publication, 14), Londres, 1983.

N. J. Mayhew ed., Coinage in the Low Countries (880 –1500): The Third Oxford Symposium on Coinage and Monetary History, (BAR, International Series, 54) Oxford, 1979.

[3] N. J. Mayhew, La chronologie des esterlins de Jean d’Avesnes, comte de Hainaut (1280–1304), RN, 1975, p. 172–181.

[4] N. J. Mayhew, Sterling: The Rise and Fall of a Currency Londres, Penguin Press, 1999.

[5] N. J. Mayhew, E. Gemmill, Changing Values in Medieval Scotland: A Study of Prices, Money, and Weights and Measures, Cambridge University Press, 1995.

[6] N. J. Mayhew, Coinage in France from the Dark Ages to Napoleon, Londres, Seaby, 1988.

[7] N. J. Mayhew ed., The gros tournois: Proceedings of the Eighteenth Oxford Symposium on Coinage and Monetary History, (RNS Special Publication, 31), Oxford, 1997.

[8] L’esterlin d’Aquitaine, BSFN, 50 (1995), p. 1147–1151.

[9] Debasement and demography in England and France in the later Middle Ages, Cambridge 2022.

[10] Parmi ses contributions à l’Economic history Review on peut citer : Numismatic evidence and falling prices in the fourteenth century, EcHR, 27 (1974), p. 1–15 et Population, money supply, and the velocity of circulation in England, 1300–1700, EcHR, 48 (1995), p. 238–257. Une seule incursion vers le haut Moyen Âge en 2010 dans les Mélanges Cécile Morrisson, Monetization in late Roman and early Anglo-Saxon England, p. 549-560.

[11] Modelling medieval monetisation ; Appendix 2: The calculation of GDP from Domesday Book, in R.H. Britnell and B.M.S. Campbell (ed), A Commercialising Economy: England 1086 to c. 1300, Manchester, 1995, p. 55–77, 195–196.

[12] N.J. Mayhew, Ph. Schofield ed., Credit and Debt in Medieval England c. 1180 – c. 1350,Oxford, 2002.

[13] Il a consacré à chacun de ses termes ses « presidential adress » à la Royal numismatic society (The Quantity Theory of Money, NC 2010-2013).

[14] Le volume d’hommage qui lui a été dédié en 2015 est ainsi publié dans une collection à orientation économique : Martin Allen, D’Maris Coffmaned.,Money, Prices and Wages: essays in honour of Professor Nicholas Mayhew, (Palgrave Studies in the History of Finance) Basingstoke and New York, 2015.