Jeton de vermeil 2022 – M. Christof Boehringer
La présidente et les anciens présidents remettent le jeton de vermeil 2022 à M. Christof Boehringer. Catherine Grandjean prononce l’éloge du récipiendaire.
« Christof Boehringer est un des plus éminents numismates de notre temps. Formé aux universités de Berlin et de Munich, il a mené ensuite toute sa carrière à l’université de Göttingen. Conservateur emblématique de son médailler, il y a dispensé aussi des cours et des séminaires de numismatique et d’archéologie classique à des générations d’étudiants allemands et étrangers. Zur Chronologie Mittelhellenisticher Münzserien 220-160, publié en 1972 à partir de sa thèse de doctorat, est son livre le plus fameux. Il a permis de beaucoup préciser nos connaissances sur la chronologie des émissions frappées entre l’accession au trône d’Antiochos III et les suites de la Troisième guerre de Macédoine. Christof Boehringer y a mis l’accent sur le témoignage de trésors, souvent jusqu’ alors inédits, les utilisant notamment pour argumenter en faveur de la chronologie basse du monnayage stéphanéphore d’Athènes qu’il associait justement à la montée en puissance de Délos. Son œuvre comprend aussi la publication de la collection Eric von Post à Stockholm et celle des monnaies de Sicile de la collection Dewing.
Il a écrit de nombreux articles consacrés à la numismatique de Grèce continentale et insulaire et, aussi, à celle du monde colonial occidental. Car, comme son père, Erich Boehringer, auteur en 1929 du corpus par coins du monnayage de Syracuse, ouvrage pionnier en la matière, Christof Boehringer s’intéresse plus particulièrement aux monnayages de Sicile auxquels il a consacré près de 40 articles. Christof Boehringer a publié aussi bon nombre de contributions consacrées aux collections antiques de l’université de Göttingen, notamment à la plastique grecque, et aussi des comptes-rendus d’ouvrages dans diverses revues.
Il présida l’important centre de numismatique de Naples de 1986 à 2002, organisant dans ce cadre de nombreuses manifestations consacrées aux monnayages de Grande-Grèce et de Sicile. Il a d’ailleurs publié tout récemment dans notre revue un bel article sur le monnayage de Rhégion.
Bourreau de travail, doté d’un esprit de synthèse qui lui permet d’avancer des hypothèses audacieuses, Christof Boehringer est de ceux qui, en bousculant parfois les idées reçues, font progresser notre discipline. Je pense par exemple à la chronologie basse des séries péloponnésiennes qu’il a présentée à Athènes à la fin des années 80 en la fondant sur le témoignage des trésors. Ce fut comme un coup de tonnerre dans le ciel des idées reçues sur les conséquences monétaires de la guerre d’Achaïe. Elle fut âprement contestée avant de s’imposer peu à peu.
Christof Boehringer est aussi un professeur inspirant, qui sait être à la fois rigoureux et chaleureux avec les plus jeunes. Je me souviens de ma terreur initiale mêlée finalement de contentement, lorsque, lors de ma soutenance d’HDR, il commença par indiquer qu’il avait vérifié toutes les liaisons de coins de mon mémoire inédit, avant de conclure qu’elles étaient justes. Je me souviens aussi de sa participation active, dans la bonne humeur, à la recherche que nous menions à Berlin, Aliki Moustaka et moi, sur le trésor de Caserta, avec Bernhard Weisser.
Membre honoraire de la Royal Numismatic Society et titulaire de la médaille Huntington de l’American Numismatic Society, Christof Boehringer a entretenu une longue amitié avec Georges Le Rider. Invité par lui à participer à la cérémonie de remise de son épée d’académicien, il y prononça un beau discours en français. François de Callataÿ me rappelait récemment combien G. Le Rider admirait le travail de Christof Boehringer. Francophile passionné, vous dites, cher Christof, que c’est parce que vous êtes né un 14 juillet, vous avez accepté avec un plaisir non dissimulé de recevoir le jeton de vermeil de la SfN. Nous en sommes tous très heureux, car vous nous donnez la satisfaction d’honorer un très grand savant, dont la méthode et l’œuvre marquantes inspirent depuis longtemps les travaux de nombreux collègues, en Allemagne et ailleurs dans le monde. Nous nous en réjouissons aussi parce que nous honorons un grand Européen polyglotte et un homme de bonne compagnie, très apprécié de la communauté internationale. Je n’ai qu’un regret. Que l’état de santé de votre épouse Ursula ne lui ait pas donné la possibilité de se joindre à nous aujourd’hui et de profiter avec vous d’un week-end à Paris, cette ville que tous deux aimez tant. »